Paradoxalement, Othon est l'une des pièces les plus importantes mais les moins connues de Pierre Corneille. Elle a lieu à la suite de la mort de l’empereur romain Néron, et de sa succession par le très vieil empereur Galba, dans une période de crise politique intense à Rome. Dans celle-ci, Othon est incité à régner à la suite de Galba, mais il refuse car cela le forcerait à quitter celle qu’il aime, Plautine, pour épouser la nièce de Galba, Camille – qui est amoureuse de lui. En parallèle, Lacus et Martian, deux conseillers malhonnêtes de Galba, le poussent à choisir Pison, un homme beaucoup plus manipulable, comme successeur.
Dans cette scène, Galba annonce qu’il a choisi Pison comme successeur, mais Camille refuse de l’épouser, lui disant qu’elle préfère Othon.
SCÈNE III. Galba, Camille, Albiane.
GALBA
[…] [Rome] veut donc un maître, et Néron condamné
Fait voir ce qu'elle veut en un front couronné.
Vindex, Rufus, ni moi, n'avons causé sa perte,
Ses crimes seuls l'ont faite, et le ciel l'a soufferte,
Pour marque aux souverains qu'ils doivent par l'effet
Répondre dignement au grand choix qu'il en fait.
Jusques à ce grand coup, un honteux esclavage
D'une seule maison nous faisait l'héritage ;
Rome n'en a repris au lieu de liberté
Qu'un droit de mettre ailleurs la souveraineté,
Et laisser après moi dans le trône un grand homme,
C'est tout ce qu'aujourd'hui je puis faire pour Rome.
Prendre un si noble soin, c'est en prendre de vous,
Ce maître qu'il lui faut vous est dû pour époux,
Et mon zèle s'unit à l'amour paternelle
Pour vous en donner un digne de vous et d'elle.
Jule, et le grand Auguste ont choisi dans leur sang,
Ou dans leur alliance, à qui laisser ce rang ;
Moi, sans considérer aucun noeud domestique
J'ai fait ce choix comme eux, mais dans la république,
Je l'ai fait de Pison, c'est le sang de Crassus,
C'est celui de Pompée, il en a les vertus,
Et ces fameux héros dont il suivra la trace
Joindront de si grands noms aux grands noms de ma race,
Qu'il n'est point d'hyménée, en qui l'égalité
Puisse élever l'empire à plus de dignité.
CORNEILLE Pierre, Othon , 1665 ; Acte III scène 3, V. 863-888
dans un texte en prose, vous imaginerez la réponse – et le refus – de Camille face à son père, lui expliquant qu’elle préfère faire le choix de l’amour à celui de la politique.