I. Le théâtre classique : contexte

au XVIIe siècle, le théâtre gagne en importance dans le paysage littéraire français, après avoir été un genre relativement mineur à la renaissance. Cela est permis par le cardinal de Richelieu, premier ministre du roi Louis XIII, qui met en place plusieurs mesures pour le théâtre : inauguration de salles, subvention de certaines troupes, législations sur le statut du comédien et du dramaturge (avec la participation de Louis XIII), etc. Le théâtre devient plus codifié, c'est un véritable lieu de rendez-vous de la cour de France et de mise en valeur du pouvoir royal.

Le théâtre français est centralisé autour de trois grands dramaturges, tous trois associés à une troupe subventionnée et installée à Paris (ce qui n'est pas le cas de tous les dramaturges) :

Molière (1622 - 1673): Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière, est le plus célèbre auteur de comédie en France. en 1643, il s'associe avec plusieurs amis, dont Madeleine Béjart, pour fonder l'Illustre-Théâtre, une troupe installée de manière fixe à Paris. Malheureusement, celle-ci ne parvient pas à être rentable, et moins de deux ansq après, il fait faillite et quitte Paris. Il passe ensuite douze ans en province, avant de retourner à Paris en 1658, où il devient très populaire aurpès du roi pour ses comédies et ses farces. Celles-ci cherchent à mettre en scène et à se moquer de certains défauts humains : l'avarice, la fausse dévotion religieuse, etc... La plupart de ses pièces mettent donc en scène des vieux bourgeois ridicules, des couples de jeunes gens, et des valets rusés et farceurs.

Pierre Corneille (1606 - 1684): Issu d'une famille bourgeoise de Rouen, il fait des études de droit, avant de se lancer dans le théâtre en 1625, avec Mélite. Il écrira tout d'abord beaucoup de pièces comiques, avant de se diversifier et d'écrire ses premières tragédies et tragi-comédies aux alentours des années 1640 (il publie Le Cid , sa pièce la plus connue, en 1637). C'est véritablement durant la décennie 1640 qu'il connaîtra son plus grand succès, mais il continuera à publier de manière plus ou moins régulière jusqu'en 1674, année de publication de sa dernière tragédie, Suréna . Ses tragédies et tragi-comédies mettent en scène des héros nobles, qui doivent agir avec vertu et honneur afin de triompher des difficultés et de défendre l'état

Jean Racine (1639-1669): Orphelin, il est élevé au couvent de Port-Royal. Il se détache assez vite du monde religieux pour écrire ses pièces, qui ont rapidement beaucoup de succès auprès du roi; il publie donc plusieurs tragédies, avant de devenir en 1677 historien du roi, ce qui le poussera à beaucoup moins publier de pièces; après cette date, il n'écrira que deux pièces religieuses, pièces conçues à la demande de Mme de Maintenon pour le pensionnat des jeunes filles de Saint-Cyr. Ses pièces mettent en scène des personnages accablé"s par le destin, incapables de lui échapper; l'issue de ses tragédies est entièrement malheureuse.

II. La comédie classique (Molière) : Ridendo castigat mores

La comédie classique, et plus précisément la comédie de moeurs - très pratiquée par Molière - est un type de comédie fondé sur le fait de tourner en ridicule un trait de caractère, un type de personnage. Il peut s'agir, selon les comédies, du médecin, de l'avare, du faux dévot religieux, etc. On associe ce type de comédie à la phrase "Ridendo castigat mores , le rire corrige les moeurs .

les comédies de Molière sont généralement fondées sur une histoire d'amour entre deux jeunes gens, empêchée par un vieux bourgeois, mais qui sera finalement résolue à l'aide d'un valet rusé. On retrouve ce schéma dans L'Avare, Les Fourberies de Scapin, ou encore Monsieur de Pourceaugnac . Ces comédies reposent souvent sur le principe du Deus ex machina le "dieu sorti de la machine", un procédé théâtral qui consiste à faire intervenir un retournement de situation inattendu et fantaisiste pour dénouer une situation bloquée.

la comédie de Molière est très proche du genre de la farce ; cependant, la plupart du temps, les farces sont en trois actes, les comédies en cinq. De plus, les comédies peuvent être en prose (L'Avare) ou en vers (Le Misanthrope).

III. La tragédie classique (Corneille, Racine) : une tragédie codifiée

la tragédie du XVIIe siècle est extrêmement codifiée ; beaucoup de textes sur le théâtre sont utilisés comme « mode d’emploi » pour faire une bonne tragédie. Le principal traité sur le théâtre utilisé au XVIIe est la Poétique d’Aristote, mais l’on peut aussi mentionner la Pratique du théâtre de l’Abbé d’Aubignac, l’Art poétique de Boileau ou les Trois Discours sur le poème dramatique de Corneille. La tragédie classique est régie par beaucoup de règles ; voici les plus importantes :

La Règle des trois unités : la règle des trois unités stipule que la pièce doit se passer en un seul lieu (une salle d’un palais, une chambre, une cour) => unité de lieu , en vingt-quatre heures => unité de temps , et doit avoir une seule action/intrigue principale => unité d’action

La Règle de vraisemblance : la pièce doit être crédible . Même si le dramaturge peut inventer des personnages qui n’existaient pas dans la réalité, changer légèrement le déroulement des évènements, le spectateur ne doit pas se dire que ce qui se passe sur scène est invraisemblable, que ça ne « fait pas vrai ». Par exemple, on peut inventer une nièce à Jules César pour les besoins d’une pièce (ce n’est pas vrai, mais c’est crédible ) mais on ne peut pas imaginer une pièce où il survivrait à son assassinat (ce ne serait pas crédible).

La Règle de bienséance : le sang, la mort ou les actes violents ne doivent pas être montrés sur scène. S’il y en a dans la pièce, ceux-ci doivent être racontés par d’autres personnages après que cela s’est passé, pour ne pas choquer le spectateur.

de plus, la tragédie doit toujours mettre en scène des personnages nobles (empereurs, rois, tyrans, barons, etc.) et doit avoir une visée morale : la représentation de la violence extrême ne doit pas être gratuite, mais doit permettre au spectateur de se défaire de toute passion (toute émotion extrême et négative, comme la jalousie, la vanité, l’amour passionnel, l’ivresse du pouvoir...) en lui montrant dans la peur et la tristesse où celle-ci pourrait le mener.

cependant, la mort d’un personnage n’est pas obligatoire dans une tragédie , comme le rappelle Racine : « ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie » - Jean RACINE, Préface de Bérénice

les alexandrins dans le théâtre du XVIIe siècle

les tragédies du XVIIe siècle sont toujours écrites en vers, et – sauf dans quelques rares exceptions, extrêmement rares, comme Agésilas de Corneille – intégralement en alexandrins. L’alexandrin est un vers de douze syllabes, réparties en deux parties (ou hémistiches) de six syllabes chacunes.

La coupe à l’hémistiche, c’est-à-dire l’espace entre la sixième et la septième syllabe du vers, doit toujours tomber sur un espace, une virgule, ou un point. Elle ne peut pas tomber sur un mot.

Afin d’avoir le bon nombre de syllabes dans un vers, les « e » à la fin d’un mot doivent être prononcés si le mot suivant commence par une consonne

mais pas si le mot suivant commence par une voyelle, ou si c’est le dernier mot du vers.

De plus, les alexandrins de la tragédie classique suivent ce qu’on appelle l’alternance entre rimes masculines et féminines . Une rime masculine est une rime entre deux mots qui ne finissent pas par un « e » muet (affront/garçon, valeur/douleur), et une rime féminine est une rime entre deux mots finissant par un « e » muet (reine/peine, fièvre/lèvre)

étude des alexandrins dans un extrait de Bérénice, Racine

les différentes syllabes sont signalées par un slash (/), la coupe à l’hémistiche par un double slash (//) et les « e » prononcés sont mis en majuscule (sauf quand ceux-ci sont déjà prononcés habituellement, comme dans « ce », « le », « je », etc.).

TITUS

A/rrê/ton/s un/ mo/ment.// La/ pom/pE/ de/ ces/ lieux,

Je/ le/ vois/ bien/, Ar/sace//, est/ nou/velle/ à/ tes/ yeux.

Sou/vent/ ce/ ca/bi/net// su/per/be/ et/ so/li/taire,

Des/ se/crets/ de/ Ti/tus// est/ le/ dé/po/si/taire.

C'est/ i/ci/ quel/que/fois// qu'il/ se/ ca/che à/ sa/ cour,

Lor/squ'il/ vien/t à/ la/ reine// ex/pli/quer/ son/ a/mour.

De/ son/ a/ppar/te/ment// cet/tE/ port/e est/ pro/chaine,

Et/ cette/ au/trE/ con/duit// dans/ ce/lui/ de/ la/ reine.

Va/ chez/ el/lE./ Dis/-lui// qu'im/por/tun/ à/ re/gret,

J'o/sE/ lui/ de/man/der// un/ en/tre/tien/ se/cret.

ARSACE.

Vous/, Sei/gneur/, im/por/tun ?// Vous/ cet/ a/mi/ fi/dèle,

Qu'un/ soin/ si/ gé/né/reux// in/té/re/ssE/ pour/ elle ?

Vous/, cet/ An/ti/o/chus//, son/ a/mant/ au/tre/fois ;

Vous/, que/ l'O/ri/ent/ compte// en/trE/ ses/ plus/ grands/ rois :

Quoi !/ Dé/jà/ de/ Ti/tus// é/pouse /en/ es/pé/rance,

Ce/ rang/ en/tre elle/ et/ vous// met/-il/ tant/ de/ dis/tance ?

pour votre culture générale  : le nom « alexandrin » vient du Roman d’Alexandre, écrit en vers de douze syllabes par Alexandre de Bernay

Principales pièces classiques

  • Molière, L'avare
  • Molière, Les Fourberies de Scapin
  • Molière, L'Ecole des Femmes
  • Corneille, Le Cid
  • Corneille, L'illusion Comique
  • Corneille, Cinna
  • Racine, Bérénice
  • Racine, Britannicus
  • Pour aller plus loin : intégrales et anthologies

    Plusieurs intégrales et anthologies des pièces de Racine, Molière, et Corneille existent chez GF, Classiques Garnier ou encore dans la collection Pléiade. (attention, le Théâtre de Corneille aux éditions GF ne contient pas toutes les pièces)

    Concernant les dramaturges moins connus du XVIIe siècle, deux anthologies existent et peuvent être intéressantes à consulter :

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