La tragédie classique (Corneille, Racine) : une tragédie codifiée

la tragédie du XVIIe siècle est extrêmement codifiée ; beaucoup de textes sur le théâtre sont utilisés comme « mode d’emploi » pour faire une bonne tragédie. Le principal traité sur le théâtre utilisé au XVIIe est la Poétique d’Aristote, mais l’on peut aussi mentionner la Pratique du théâtre de l’Abbé d’Aubignac, l’Art poétique de Boileau ou les Trois Discours sur le poème dramatique de Corneille. La tragédie classique est régie par beaucoup de règles ; voici les plus importantes :

La Règle des trois unités

la règle des trois unités stipule que la pièce doit se passer en un seul lieu (une salle d’un palais, une chambre, une cour) => unité de lieu , en vingt-quatre heures => unité de temps , et doit avoir une seule action/intrigue principale => unité d’action

La Règle de vraisemblance

la pièce doit être crédible . Même si le dramaturge peut inventer des personnages qui n’existaient pas dans la réalité, changer légèrement le déroulement des évènements, le spectateur ne doit pas se dire que ce qui se passe sur scène est invraisemblable, que ça ne « fait pas vrai ». Par exemple, on peut inventer une nièce à l’empereur César pour les besoins d’une pièce (ce n’est pas vrai, mais c’est crédible ) mais on ne peut pas imaginer une pièce où il survivrait à son assassinat (ce ne serait pas crédible).

La Règle de bienséance

le sang, la mort ou les actes violents ne doivent pas être montrés sur scène. S’il y en a dans la pièce, ceux-ci doivent être racontés par d’autres personnages après que cela s’est passé, pour ne pas choquer le spectateur.

 

de plus, la tragédie doit toujours mettre en scène des personnages nobles (empereurs, rois, tyrans, barons, etc.) et doit avoir une visée morale : la représentation de la violence extrême ne doit pas être gratuite, mais doit permettre au spectateur de se défaire de toute passion (toute émotion extrême et négative, comme la jalousie, la vanité, l’amour passionnel, l’ivresse du pouvoir...) en lui montrant dans la peur et la tristesse où celle-ci pourrait le mener.

cependant, la mort d’un personnage n’est pas obligatoire dans une tragédie , comme le rappelle Racine : « ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie » - Jean RACINE, Préface de Bérénice

les alexandrins dans le théâtre du XVIIe siècle

les tragédies du XVIIe siècle sont toujours écrites en vers, et – sauf dans quelques exceptions, extrêmement rares, comme Agésilas de Corneille – intégralement en alexandrins. L’alexandrin est un vers de douze syllabes, réparties en deux parties (ou hémistiches) de six syllabes chacunes.

La coupe à l’hémistiche, c’est-à-dire l’espace entre la sixième et la septième syllabe du vers, doit toujours tomber sur un espace, une virgule, ou un point. Elle ne peut pas tomber sur un mot.

Afin d’avoir le bon nombre de syllabes dans un vers, les « e » à la fin d’un mot doivent être prononcés si le mot suivant commence par une consonne

mais pas si le mot suivant commence par une voyelle, ou si c’est le dernier mot du vers.

De plus, les alexandrins de la tragédie classique suivent ce qu’on appelle l’alternance entre rimes masculines et féminines . Une rime masculine est une rime entre deux mots qui ne finissent pas par un « e » muet (affront/garçon, valeur/douleur), et une rime féminine est une rime entre deux mots finissant par un « e » muet (reine/peine, fièvre/lèvre)

étude des alexandrins dans un extrait de Bérénice, Racine

les différentes syllabes sont signalées par un slash (/), la coupe à l’hémistiche par un double slash (//) et les « e » prononcés sont mis en majuscule (sauf quand ceux-ci sont déjà prononcés habituellement, comme dans « ce », « le », « je », etc.).

TITUS

A/rrê/ton/s un/ mo/ment.// La/ pom/pE/ de/ ces/ lieux,

Je/ le/ vois/ bien/, Ar/sace//, est/ nou/velle/ à/ tes/ yeux.

Sou/vent/ ce/ ca/bi/net// su/per/be/ et/ so/li/taire,

Des/ se/crets/ de/ Ti/tus// est/ le/ dé/po/si/taire.

C'est/ i/ci/ quel/que/fois// qu'il/ se/ ca/che à/ sa/ cour,

Lor/squ'il/ vien/t à/ la/ reine// ex/pli/quer/ son/ a/mour.

De/ son/ a/ppar/te/ment// cet/tE/ port/e est/ pro/chaine,

Et/ cette/ au/trE/ con/duit// dans/ ce/lui/ de/ la/ reine.

Va/ chez/ el/lE./ Dis/-lui// qu'im/por/tun/ à/ re/gret,

J'o/sE/ lui/ de/man/der// un/ en/tre/tien/ se/cret.

ARSACE.

Vous/, Sei/gneur/, im/por/tun ?// Vous/ cet/ a/mi/ fi/dèle,

Qu'un/ soin/ si/ gé/né/reux// in/té/re/ssE/ pour/ elle ?

Vous/, cet/ An/ti/o/chus//, son/ a/mant/ au/tre/fois ;

Vous/, que/ l'O/ri/ent/ compte// en/trE/ ses/ plus/ grands/ rois :

Quoi !/ Dé/jà/ de/ Ti/tus// é/pouse /en/ es/pé/rance,

Ce/ rang/ en/tre elle/ et/ vous// met/-il/ tant/ de/ dis/tance ?

pour votre culture générale  : le nom « alexandrin » vient du Roman d’Alexandre, écrit en vers de douze syllabes par Alexandre de Bernay

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